Comment bien digérer pour des os plus solides
Résumé
La digestion peut avoir un impact important sur la santé générale et la santé des os. A grands traits (et pour simplifier), nous pouvons dire qu’il y a une certaine continuité entre les différents troubles digestifs allant des maladies inflammatoires, en passant par les syndromes d’intestin irritable, les dérangements intestinaux, la constipation et l’occlusion intestinale. Les pratiques qui ont une efficacité certaine sur la santé digestive sont : la mastication, la modulation de la consommation de fibres, la suspension temporaire d’aliments en cas de troubles intestinaux, l’exercice physique, la limitation des antibiotiques aux cas strictement nécessaires, la santé psychologique…
…tous en étaient frappés
Nous ressentons tous, régulièrement, des difficultés de digestion diverses dans lesquelles nous n’entrerons pas en détail pour des raisons olfactives…
Il faut savoir que ces difficultés peuvent bien évidemment entraîner des problèmes d’absorption de nutriments, et, à long terme, des déficits significatifs. Si ces déficits concernent les nutriments et oligoéléments nécessaires à la construction et à la maintenance des os, le lit de l’ostéopénie puis de l’ostéoporose se creuse lentement et sûrement…
Nous allons voir quels enseignements nous pouvons tirer pour la vie de tous les jours. Cela nous permettra de mieux prendre soin de notre propre digestion et mieux tirer tous les bienfaits de notre alimentation préférée. Nous allons le faire en analysant les traitements non médicamenteux des pathologies spécifiques de la digestion.
Un continuum allant de la bonne santé digestive aux maladies sévères
La frontière entre les personnes affectées par le syndrome de l’intestin irritable et les bien-portants semble relativement faible. Il y a une certaine continuité entre les personnes qui digèrent correctement et celles qui sont affectées par des digestions plus difficiles et plus douloureuses.
En outre, nous sommes presque tous affectés par des difficultés passagères que nous arrivons à gérer en quelques jours, mais qui peuvent entraîner néanmoins un petit affaiblissement de nos organismes.
Enfin, il peut se produire que des habitudes néfastes (mastication drastiquement réduite, par exemple, ou excès de fibres solubles) finissent, à l’occasion d’un trouble quelconque (infection intestinale, par exemple), par déboucher sur des problèmes digestifs plus durables et potentiellement plus délétères.
Impact osseux des maladies digestives
Les problèmes osseux liés à la maladie coeliaque ou encore aux maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (maladie de Crohn, rectocolite par exemple) sont bien connus depuis fort longtemps.
Dans ces maladies, la structure des parois de l’intestin est perturbée (inflammation ou atrophie, par exemple). De ce fait, l’absorption des nutriments à travers la paroi intestinale se fait moins bien (et notamment la vitamine D et le calcium). En outre, pour éliminer certaines sources d’aggravation des symptômes de ces maladies, les patients en arrivent à supprimer certains aliments importants. Ils se privent ainsi souvent de nutriments parfois spécifiques, moins disponibles dans les autres aliments qu’ils supportent.
Ces maladies, qu’on ne sait pas guérir à l’heure actuelle, nécessitent :
- des régimes alimentaires bien pensés,
- souvent des suppléments pour palier les difficultés d’absorption de certains nutriments,
- et des traitements spécifiques qui relèvent de la médecine spécialisée.
Si ces malades ont une vie difficile, ils sont, relativement, peu nombreux. Moins de 1% de la population en France, ce qui représente quand même quelques centaines de milliers de personnes…
Des traitements méconnus et pourtant simples
On connaît également des patients, plus nombreux, qui sans manifester d’allergie particulière, ont une gêne digestive de longue durée. Elle se traduit par un passage rapide entre des épisodes d’accélération (diarrhée) du transit intestinal et des épisodes de constipation avec des douleurs abdominales.
Ce sont ces douleurs qui caractérisent le syndrome de l’intestin irritable (ou du colon irritable).
Quand les médecins examinent ces patients, ils n’arrivent pas à trouver d’anomalies cliniques : ils ne constatent pas de modifications sensibles des organes concernés par rapport aux personnes ayant une digestion « normale ». C’est néanmoins bel et bien une maladie, qui est caractérisée et donc reconnue dans la nomenclature internationale.
Heureusement, ce type de maladies n’évolue pas spontanément vers des maladies plus graves. Il est même fréquent que le temps finisse par apporter des améliorations très nettes.
Il arrive que certains malades de ce syndrome soient particulièrement sensibles au lactose, ou au gluten. Mais cela ne concerne pas tous les malades, loin de là.
Parmi tous les traitements non-médicamenteux qui ont été expérimentés et qui ont donné des résultats favorables, on peut citer :
- la prise de probiotiques (pour améliorer la flore intestinale),
- l’activité physique (qui facilite le transit),
- la rééducation périnéale (qui facilite également le transit),
- le jeûne alimentaire,
- la suspension temporaire de certains types d’aliments (laitages, gluten, fibres fermentescibles, oligosaccharides…),
- la supplémentation en autres fibres,
- le soutien psychologique (comme par exemple une excellente relation médecin-patient)…
Et il ne faut pas oublier une excellente mastication, qui favorise l’imprégnation des aliments en salive et la réduction des aliments en petits fragments beaucoup moins agressifs pour les parois digestives.
Que pouvons-nous tirer des méthodes de soins utilisées pour les personnes atteintes du syndrome de l’intestin irritable ?
Vous trouverez le détail des études en annexe après la conclusion.
Conclusion
Pour apporter à notre squelette tous les nutriments dont il a besoin (et prévenir l’ostéoporose), il est important d’avoir une digestion de bonne qualité.
On veillera alors à :
- une mastication d’excellente qualité (on n’y pense pas toujours, mais l’impact est très sensible),
- une activité physique stimulante pour le transit intestinal,
- une modulation (augmentation, voire diminution) de la consommation de fibres de différentes qualités,
- une diminution voire une suspension temporaire d’aliments potentiellement irritants (en cas de problèmes digestifs),
- en particulier des aliments contenants des FODMAP (attention aux pommes, poires, abricots, prunes, mangues, lait non fermenté (lactose), différentes sortes de choux, légumes secs, certaines céréales (blé, orge, seigle)…). ;
- par contre, vous pouvez utiliser : bananes, raisins, pamplemousses, kiwis, mandarines, oranges, fruits de la passion, ananas, mandarines, tomates, blettes, carottes, courgettes, céleris, haricots verts, laitues, panais, patates douces, tomates, concombres, cœurs de palmier, endives, épinards, potirons, navets et courges…
- limiter l’utilisation d’antibiotiques aux cas strictement nécessaires,
- une santé psychologique de haut niveau, notamment en devenant progressivement son ou sa propre meilleur(e) ami(e), en se constituant un réseau de soutien puissant, et en se faisant aider par des professionnels si nécessaire…
Bien sûr, pour une bonne prévention, on veillera en outre à ses apports en calcium, magnésium, vitamine D, protéines, sel (diminution), à son alimentation (anti-inflammatoire), à son exercice physique…
Prenez soin de vous et portez-vous bien !
Annexe
Activité physique
Une étude suédoise, publiée en 2010, a testé une augmentation d’activité physique librement choisie par les patients et pratiquée 20 à 60 mn durant 3 à 5 jours par semaine. Cette étude a permis de démontrer une diminution moyenne de 20% la sévérité des symptômes des malades augmentant leur exercice physique, alors que le groupe témoin restait quasiment stable.
Certaines études ont signalé l’intérêt de la rééducation périnéale. Intuitivement, il semble raisonnable de penser que la puissance des muscles abdominaux profonds facilitera le transit intestinal et limitera, de ce fait, les irritations.
Le message est tout à fait clair : faites de l’exercice physique !
Si en outre cet exercice est en charge (action de votre poids sur vos os) et avec des impacts (course à pied, danse, randonnée, saut à la corde, aérobique…), votre digestion sera meilleure et vos os renforcés !
Bref, et ce n’est pas nouveau, n’hésitons pas à nous bouger (de manière structurée, de préférence).
Supplémentation en fibres
Si certaines fibres alimentaires peuvent intensifier les symptômes d’irritation intestinale, on sait depuis très longtemps que d’autres catégories de fibres améliorent la situation digestive de nombreux patients.
Une méta-analyse de différentes études sur la question a été publiée en 2014 comparant les effets de fibres diverses comme le son, le plantain (ispaghul), les graines de lin…
Cette étude met en évidence un impact très faible (sinon nul) du son sur les symptômes de l’intestin irritable, et un impact significatif de certaines fibres solubles (plantain, graines de lin). Néanmoins, le nombre d’études disponibles sur les graines de lin était très limité.
Cela ne signifie nullement que le son n’a aucun intérêt alimentaire. Son impact n’est simplement pas convaincant pour soulager les intestins irritables. On sait que les fibres, d’une manière générale, facilitent le transit intestinal et limitent la réabsorption des lipides, notamment. Elles contribuent à protéger la santé cardiovasculaire et à diminuer les risques de cancer colorectal.
Enfin, il est apparu depuis quelques années que les glucides à chaînes courtes (oligosaccharides, qui sont des fibres solubles) et les polyols peuvent jouer un rôle dans l’irritation intestinale chez une fraction importante de la population. Ce sont les aliments que l’on appelle des FODMAP (acronyme de Fermentescibles, Oligosaccharides, Disaccharides, Monosaccharides, Polyols).
Il apparaît donc que, si les fibres (solubles et insolubles) font partie des remèdes conseillés pour traiter les problèmes digestifs, l’impact des différentes catégories de fibres peut être très différent en fonction de la nature des fibres et en fonction des personnes…
Bref, il conviendra de procéder de manière très empirique par suppression ou introduction d’aliments spécifiques pendant quelques jours pour vérifier l’impact qu’ils peuvent avoir sur la digestion. Ce qui nous amène au paragraphe suivant.
Jeûne alimentaire et suspension temporaire d’aliments
Le syndrome de l’intestin irritable peut n’être qu’une irritation temporaire, liée à une agression dont l’intestin a du mal à se remettre.
Pour aider cet intestin fragilisé à se restaurer dans son intégrité, il pourra être intéressant de le soulager temporairement de certains types d’aliments (notamment certaines fibres comme les oligosaccharides, certaines protéines comme le gluten, certains sucres).
Temporairement, car, en temps normal, la plupart des systèmes digestifs (quand il vont bien, c’est-à-dire sauf maladie ou intolérance spécifiques) sont parfaitement capables de les supporter.
Ainsi, après que l’irritation aura été réduite, soignée, on pourra réintroduire progressivement les différents aliments suspendus : l’intestin ayant retrouvé toute son intégrité sera parfaitement à même de les gérer efficacement.
Pour ce qui concerne le jeûne, certaines études ont montré qu’il pouvait avoir un intérêt pour soulager les symptômes. C’est une démarche qui peut, néanmoins, être très agressive. En outre, elle risque d’entraîner des libérations trop rapides de molécules toxiques emmagasinées dans les cellules grasses que le corps va consommer pour faire face à ses besoins d’énergie. C’est donc une pratique qui ne doit pas s’improviser…
La suspension temporaire d’aliments apparaît mieux adaptée que le jeûne tant par la durée, que par l’intensité des actions menées.
Pour procéder, si l’on consomme beaucoup de fibres, on commencera par supprimer les aliments en apportant beaucoup, jusqu’à ce qu’un soulagement se produise. Après quelques semaines, le temps de restaurer les parois intestinales, on pourra réintroduire les aliments suspendus progressivement. On reviendra en arrière si la situation se dégrade à nouveau.
Soutien psychologique
On sait depuis quelques années, déjà, que le système nerveux est étroitement relié au système digestif et que les communications entre ces deux mondes sont extrêmement importantes…
On sait également que la douleur n’est jamais une question purement objective. Deux douleurs identiques mais dont l’une a fait l’objet d’une explication au malade et donne espoir à une amélioration, alors que l’autre est subie, seront ressenties de manière très différentes, y compris par la même personne.
Une étude a étudié l’effet d’une simple consultation médicale sans aucun traitement avec un gastroentérologue sur des malades. Elle a montré que, si certains symptômes persistaient, la douleur ressentie diminuait.
Une méta-analyse a montré également que des interventions psychologiques avaient des impacts importants à moyen terme et significatifs à long terme sur les symptômes ressentis.
Toutes ces études incitent à nous constituer un réseau relationnel de soutien efficace, et si nécessaire, de consulter des spécialistes en santé intestinale (gastroentérologue, par exemple) ou/et des spécialistes en psychologie.
Flore intestinale
A titre d’information complémentaire, on peut signaler que la qualité de la flore intestinale est un élément important de la santé digestive, comme le montrent de nombreuses études. Toutefois, il est difficile d’en tirer des recommandations faciles à mettre en œuvre, si ce n’est de limiter les antibiotiques (qui perturbent considérablement cette flore) aux cas strictement nécessaires.
Certains auteurs recommandent néanmoins de consommer des aliments fermentés (yaourts, choucroute…) qui permettrait de réguler favorablement la flore et la santé intestinale. On sait par ailleurs que la consommation de laitages fermentés est favorable à la santé générale et à la santé osseuse.
D’après la littérature médicale, il existe des niveaux de preuve élevés pour des populations significatives que certains probiotiques permettent d’améliorer les symptômes du syndrome de l’intestin irritable ou de diminuer les diarrhées chez les patients traités aux antibiotiques.
Il convient de sélectionner les probiotiques en fonction des preuves existantes. Cela concerne en particulier des préparations spécifiques réalisées dans le cadre d’études bio-médicales. Mais cela peut concerner également des préparations commerciales disponibles dans tel ou tel pays.
Ainsi, il semble que :
- la préparation contenant les bactéries LGG, L. rhamnosus LC705, B. breve Bb99 and P. freudenreichii ssp. shermanii JS (Valio Ltd, Helsinki, Finlande) soit efficace,
- la bactérie Bifidobacterium bifidum MIMBb75 (préparation biologique spécifique) soit efficace pour soulager le syndrôme,
- la préparation contenant les bactéries L. acidophilus, CUL-60 (NCIMB 30157), CUL-21(NCIMB 30156), B. bifidum CUL-20 (NCIMB 30153) and B. lactis CUL-34 (NCIMB 30172) soulage également les symptômes,
- le probiotique « Symbioflor-2 » permette de soulager les symptômes…
Ces traitements, encore relativement mal maîtrisées au plan des soins individuels, semblent difficiles à mettre à mettre en œuvre de manière efficace au plan individuel.
La situation devrait évoluer au cours des prochaines années, tant les recherches sur le macrobiote (la flore intestinale) sont actives à l’heure actuelle.
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